L'intégrité, la première qualité morale d'une autorité publique, aurait-elle disparu du champ politique ? | Nor Info

L'intégrité, la première qualité morale d'une autorité publique, aurait-elle disparu du champ politique ?

sam, 12/11/2022 - 17:31

Lorsqu'il a été désigné Premier ministre du Royaume-Uni, Rischi Sunak d'origine indienne, a promis aux britanniques trois priorités : "Intégrité, Professionnalisme, Responsabilité." Ce qui me séduit dans cet enchaînement concis de bonnes pratiques c'est le premier terme cité, INTÉGRITÉ. Une question cruciale toutefois. Pourquoi ce mot n'est-il jamais utilisé dans l'espace politico-administratif mauritanien ? Et pourquoi aucun dirigeant politique ne le mentionne jamais ? À fortiori, ne fait aucune promesse de l'appliquer en toute rigueur dans sa gouvernance une fois élu ? Voilà une lacune rédhibitoire de nos dirigeants préférant s'agripper souvent à des préoccupations politiciennes stériles au lieu de chercher à garantir une gouvernance vertueuse, débarrassée de tout ce qu'avait suscité la déception du feuilleton judiciaire de la fameuse décennie qui s'étire sans raison depuis près de deux ans et demi. Alors qu'en Algérie il a juste suffi de moins de 10 mois pour conclure le dossier de corruption des oligarchies politiques jusqu'à obtenir leur condamnation à des peines dissuasives de réclusion criminelle. Rappelons la définition de ce concept moral, juridique et même religieux. "L'intégrité, c'est la vertu morale qui témoigne d'une honnêteté rigoureuse". Les termes de droiture, de probité, d'incorruptibilité et d'impartialité (jamais entendus, ni lus dans notre littérature politique) sont devenus étrangers à notre culture à force de s'en éloigner. Sûrement à cause de notre histoire ambiguë, celle d'une anarchie séculaire, la "Seyba" caractérisée par un désordre infernal ou pillages et razzias avaient droit de cité. Pourquoi cette amnésie collective qui nous fait oublier les bonnes postures face à l'attrait du gain facile ? Ainsi qu'à la fraude, la triche et les détournements en cascades dont notre administration n'arrive plus à se départir. À cet égard, la dernière conférence de presse de l'Inspecteur général d'Etat est très édifiante. Notre pays est assurément sur une pente descendante en termes de respect et de protection de l’État de droit face à la délinquance financière et la criminalité en col blanc. À tel point que l'impunité, qui prend le pas sur ce que doit être une lutte sans merci contre la corruption, discrédite nos institutions républicaines, la justice en premier lieu. Il en résulte des appréciations négatives des organismes internationaux de notation des États. Dans le dernier classement mondial 2022, établi par WORD JUSTICE PROJECT la Mauritanie occupe une décevante 131ème place parmi 140 nations. À titre de comparaison, huit pays africains obtiennent des places honorables comme le Rwanda 42ème, le Sénégal 56ème, le Ghana 58ème. Des pays parvenant à faire partie de la moyenne supérieure des 70 les mieux classés. Rappelons par ailleurs le sérieux de ce classement qui place la France 21ème et les USA 26ème. Par conséquent, réhabilitons ces qualités morales d'intégrité, de droiture, de probité, d'impartialité et surtout d'incorruptibilité que pourtant nos vaillants parents inspirés par les recommandations de notre sainte religion nous ont transmises dès notre prime jeunesse. Notre société avilie par une course effrénée vers le profit a tout balayé et fait disparaître ces grandes qualités morales qui caractérisaient les premiers dirigeants de la République. Restaurons alors l'intégrité dans tous les domaines. Moralisons enfin la vie politique. Changeons de paradigme pour exiger des dirigeants politiques le respect scrupuleux d'une intégrité absolue, perdue de vue depuis plusieurs décennies. Faisons en sorte que la déclaration de revenus des autorités investies d'un mandat ou dépositaires d'une mission d'intérêt publique soit publiée et non couchée sur une feuille cachée au fond d'un tiroir. Il n'est pas logique qu'on puisse prendre intégralement connaissance de la déclaration de revenus du chef de l'État français et non de nos dirigeants au plus haut niveau. La transparence doit également jouer à fond. Elle constitue un attribut complémentaire de l'intégrité. Rendons toutefois un digne hommage mérité à nos premiers hommes politiques bâtisseurs de la Nation dont l'intégrité était indiscutablement reconnue et ne souffrait d'aucune contestation. On oublie souvent que le premier chef d'Etat de la Mauritanie était l'exemple emblématique et le symbole d'une Intégrité absolue. Les deniers publics étaient en son temps sacrés et la justice y veillait admirablement.

Béchir Fall, Expert International