Sortie du MAE, habillée de courtoisie institutionnelle | Nor Info

Sortie du MAE, habillée de courtoisie institutionnelle

dim, 04/05/2025 - 18:12

Sous le vernis protocolaire d’une tribune publiée dans Le Monde Afrique, le ministre des affaires étrangères mauritanien ( MAE), Mohamed Salem Ould Merzoug, déploie une grammaire politique d’une densité stratégique. Car derrière l’assertion martelée – « La Mauritanie n’est pas le garde-frontière de l’Europe » – se niche bien plus qu’un simple rappel de souveraineté : c’est un recadrage conceptuel, une tentative de redéfinir les termes d’un contrat migratoire asymétrique entre le Sud contraint et le Nord prescripteur. Le texte, à l’évidence, ne s’adresse pas seulement à l’opinion domestique. Il parle à Bruxelles, à Madrid, à Paris. Il traduit un agacement poli, mais ferme, face à la tentation d’externalisation des politiques migratoires européennes. En clair, la Mauritanie ne veut plus être cantonnée à une zone tampon, sous-traitante docile des obsessions sécuritaires de l’Union européenne. Elle entend assumer ses responsabilités, certes, mais dans un cadre souverain, concerté, et réciproque – où la solidarité ne soit pas un mot creux. Ce texte, qui évite soigneusement le registre de la plainte, s'inscrit dans une diplomatie du juste milieu : celle d’un État-pivot qui refuse l’assignation géopolitique à la seule gestion des flux. Loin du populisme migratoire ambiant, Ould Merzoug structure son propos en trois axes : souveraineté, solidarité, coopération. Trois piliers qui dessinent une architecture doctrinale, presque constitutionnelle, de la position mauritanienne. Le message est clair : la Mauritanie ne brade pas sa souveraineté contre quelques enveloppes budgétaires. Elle veut être co-constructrice, non exécutante. L’Europe devra désormais composer avec une posture plus affirmée, une parole plus assurée, voire une revendication de statut – celui de pays carrefour, acteur et non plus simple corridor. Cette tribune intervient dans un contexte inflammable : expulsions de migrants, critiques des ONG, tensions bilatérales avec certains pays d’origine. Le ministre ne les nomme pas, mais tous les interlocuteurs lisent entre les lignes. En diplomatie, le non-dit est souvent plus éloquent que les paragraphes entiers. En définitive, cette sortie n’est ni une rupture, ni une provocation. C’est une mise en garde douce, un réajustement du rapport de forces, habillé de courtoisie institutionnelle. Une manière élégante – presque gramscienne – de dire à l’Europe : « Coopérons, mais sur des bases rediscutées. »