A ceux qui sont nés en 1960, à leurs aînés, et leurs cadets de 10 ans. | Nor Info

A ceux qui sont nés en 1960, à leurs aînés, et leurs cadets de 10 ans.

sam, 01/12/2018 - 22:42

Aujourd’hui vous marchez allègrement à la rencontre de votre 58éme berge. Et pendant que vos aînés, après une course effrénée, s’apprêtent à mettre pied à terre, pour repartir à nouveau à dos de leur 68éme printemps, vos cadets eux n’auront désormais plus à compter qu’une petite année, avant de faire une entrée remarquée au club des quinquagénaires. Les deux générations, celle qui vous a précédé, et celle qui vient immédiatement après la vôtre, n’ont pas eu la chance de connaître l’heureuse enfance que vous avez-vous-même connu. Ce fait à lui seul, vous distingue de l’une comme de l’autre. Et tout en gardant votre authenticité, vous êtes arrivés à constituer avec les bonnes mœurs de la première, une ceinture de sécurité, et un bouclier de défense qui vous immunise contre les mœurs déficientes de la seconde. Ce n’est bien sûr pas votre faute si vous avez grandi avec les conflits armés. Certains d’entre vous ont même servi sous le drapeau, au cours de la guerre du Sahara. Vous avez suivi à la radio, et dans les journaux des documentaires détaillés sur les traces néfastes laissées par les deux guerres mondiales, celle de 14/18 puis celle de 39/45. Et vous avez eu droit à d’autres non moins détaillés sur la première défaite des arabes en 1948 devant Israël, suivie de près par les guerres de libération en Indochine 1946/1975 et, en Algérie 1954/1962. Cinq ans plus tard en 1967, la guerre des six jours a à nouveau permis à l’Etat hébreux d’occuper le Sinaï, la Cisjordanie, la bande de Gaza, et le plateau du Golan. En 1976 le Liban entame sous vos yeux sa guerre civile qui le fragilise au point qu’il subit encore de nos jours, les contrecoups des crises dans la région. C’est aussi cette année là qu’en Afrique du Sud les émeutes sanglantes de Soweto attirent l’attention du monde sur la politique dite ‘’de développement séparé’’, mené au détriment de la majorité noire, par la minorité blanche d’Afrikaners. Quatre ans plus tard éclate, en 1980, et pour huit longues années, la guerre Iran-Irak, Vous ne pourriez non plus oublier cette fameuse nuit du 9 novembre 1989, l’annonce de la disparition du mur de Berlin, qui a marqué la fin de la guerre froide. Vous étiez devant votre petit écran, lorsqu’en 1990/1991 éclate la guerre du Golfe. Les grandes chaînes de l’audio-visuel comme la Qatari El Jazzira, CNN, France 24 ; et d’autres encore vous ont fait revivre dans leurs moindre détails les horreurs de l’attentat du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Center à New-York, et la guerre d’Irak en 2003. Les deux sont les conséquences de la radicalisation de l’Islam politique marquée par la montée pernicieuse du néo-wahhabisme, et ses avatars al Qaeda et plus tard l’Etat Islamique, Noçra, et leur cortège de victimes, qui avaient cru naïvement que le Djihad du sexe, et l’appât du gain feraient d’eux autre chose que des cadavres. Vous fûtes les témoins passifs des coups d’Etat qui ont déboulonné un à un la plupart des pères de l’indépendance. Leurs successeurs sont eux aussi partis sous vos yeux, de la même façon qu’ils sont venus. Ceux qui pensaient, et vous avec, qu’ils sont assez forts pour mourir dans leur fauteuil de chef, n’ont résisté que quelques mois, voir quelques semaines seulement avant d’être emportés par les flammes du feu de l’immolation de Bouazizi, un jeune diplômé, vendeur ambulant, originaire de Sidi Bouzid, dans le sud de la Tunisie. C’est ce geste désespéré qui inaugura en 2011 le temps du printemps arabe. Beaucoup parmi vous sont encore traumatisés par les douloureux événements à caractères raciaux des années 66-67, et par ceux encore plus graves et plus proche de nous des années 89-92, plus connus sous l’appellation ‘’Années de braises’’. Vous connaissez par leurs noms tous les héros des bandes dessinées, et du photo-roman. Vous avez lu et relu tous les Guy des Cars, de la collection ‘’J’ai lu’’,et toute la collection Arlequin. Hercule Poirot le héros des romans d’Agatha Christie, est l’un des habitués de vos nuits d’insomnie. Vous récitez par cœur les noms de tous les acteurs des films westerns, et gladiateurs, des films de guerre, et d’espionnage. Vous avez ri jusqu’aux larmes du burlesque, de la satire, ou du comique, de Charlie Chaplin, et Louis de Funès. Vous n’accepteriez pas pour tout l’or du monde de rater la projection en matinée ou en soirée d’un James Bond 007, d’un Coplan, ou d’un O.S.S 117. Vous connaissez chaque pays par son nom, par les couleurs de son drapeau, par son président, et parfois même vous le reconnaissez par son premier ministre, ou par son ministre des affaires étrangères. Vous connaissez la superficie de chaque pays ; et vous connaissez le nombre exact de ses habitants. Les organisations comme l’O.N.U, l’O.U.A, la Ligue Arabe, et leurs rejetons n’ont pas de secrets pour vous. Votre passion : Courir toute la journée sans but précis, sous les rayons brûlants du soleil. Une autre de vos passions, consiste à chasser les pigeons aux lance-pierres. Vous jouez aux billes, à la culbute, au vélo, au saut, et à cache-cache. Vous êtes des mordus de la lecture, au point de lire tout ce qui vous tombe sous la main. Et sur le chemin de la plage vous vous arrêtez pour fouiner dans la poubelle des « Toubabs » derrière l’hôpital national à la recherche de mégots de Craven ‘’A’’ de Gitanes, de Gauloises, de Camélias de Manola, ou de menthola, avant d’être pris en auto-stop par ces vieilles bennes Marell qui approvisionnaient la ville en coquillages, et en sable des bordures du littoral. Malgré cet emploi de temps chargé, rares parmi vous ceux qui cèdent à la tentation de faire l’école buissonnière, et nombreux sont parmi vous ceux qui alternent sans grand effort l’école publique, à l’école Coranique, et trouvent encore le temps d’honorer point par point l’emploi de temps cité ci-haut. Et c’est cela qui a fait qu’aujourd’hui vous ne vous sentez pas dépaysés dans l’univers de Apple, de Black Berry, de Galaxy. Et vous êtes aussi à l’aise dans celui de I phone, de Waks Books, de Whatsapp, et de Snapchat. Vous êtes en califourchon entre deux générations différentes. Vous fûtes élevés à la manière de vos aînés des générations précédentes, et vous êtes beaucoup mieux préparés à vivre les changements que vos cadets de la nouvelle génération. Vous mettez en pratique vos enseignements religieux sans exagération ni négligence. L’histoire retiendra que vous êtes d’un type différent de tous les autres. Ce que vous diffère des autres, et que les autres ne sauront jamais, c’est que vous n’avez pas peur d’avancer en âge, parce que vous êtes parmi tous les autres, les seuls à posséder cette qualité innée de faire face à toutes les surprises, et à tous les changements de la vie. Savez-vous vraiment qui est-nous ? Nous sommes cette génération qui a réussi le coup de force de ne pas s’effondrer psychiquement sous les coups et les menaces du bâton de l’instituteur, de la cravache du maître coranique. Nous sommes cette génération qui n’a pas connu de crise affective malgré la fragilité, et l’instabilité de l’environnement familial. Dans le cœur de la plupart d’entre nous il n’y a de place que pour nos vénérées mamans, qui ont avec amour rempli pour nous le rôle du père souvent absent, et celui de la nurse qui est un luxe qu’elle n’avaient pas pu nous offrir. Nous sommes cette génération qui ne s’est jamais plainte de la densité des méthodes pédagogiques, et s’est gardée de pousser des gémissements quand leur corps décatis s’arc-boutait sous le poids des cahiers et des livres. Nous sommes cette génération qui n’appelle jamais à l’aide, parce qu’on l’a habitué à ne compter que sur elle-même. Nous sommes cette génération qui a su convenablement porter le pantalon que nos prédécesseurs boutonnaient au dessus de leur nombril, alors que nos cadets l’avaient descendu jusqu’à mi-fesses. Nous sommes l’unique génération qui n’a pas recouru à l’aide des parents pour réviser ses leçons, ou pour faire ses devoirs. Nous sommes cette génération qui réussissait ses examens sans que les parents recourent aux promesses, et autres motivations pour nous voir arriver en tête de liste. Nous sommes cette génération qui s’est appliquée à résoudre le jeu des mots dans leurs deux versions croisée et fléchée. Nous sommes cette génération qui grâce à son application a aidé le pauvre bonhomme du dessin à éviter les culs-de sacs, et trouver le bon chemin pour sortir du labyrinthe. Nous sommes cette génération pour qui les jeux des sept erreurs, les casse-tête, et les quiz sont une simple distraction, et un jeu d’enfant. Nous sommes cette génération qui agitait naïvement les mains quand l’avion passait au-dessus de nos têtes. Nous sommes cette génération dont les membres des deux sexes s’entrecroisaient dans les ruelles mal éclairées sans crainte de mauvaises surprises. Nous sommes cette génération dont les filles employaient à la place du rouge à lèvres, les crèmes glacées de même couleur. Nous sommes cette génération de coureurs de jupons, et de dragueurs de haute classe capable de séduire la plus réticente des filles, sans avoir maille avec la justice pour agression ou harcèlements sexuels. Nous sommes cette génération dont l’innocence marque au quotidien les détails de la vie. Nous sommes cette génération qui entre sagement dans les rangs, en chantant avec enthousiasme l’hymne nationale, chaque matin avant de commencer les cours. Nous sommes cette génération qui range ses cahiers, et se glisse sagement sous ses couvertures dés que le chef de famille, sans demander notre avis éteint l’ampoule au-dessus de nos têtes. Nous sommes cette génération qui passait des nuits blanches à réviser sous les flammes vacillantes des bougies, et des lampes à pétrole en vue des examens de fin d’année. Nous sommes cette génération qui témoigne respect, et révérence à ses parents, et à ses instituteurs. Nous sommes cette génération qui adore la compagnie, et s’égaie à la vue d’un camarade de classe, ou d’un voisin. Nous sommes cette génération qui sait partager l’argent de poche, le pain, mais aussi le secret du compagnon, qu’elle sait jalousement garder. L’auteur de ce texte qui se veut un dédicacé en hommage à ceux qui ont vécu ces inoubliables instants, demande à ALLAH d’accorder clémence et rémission à nos aînés qui ont tout sacrifié pour notre bien-être, et notre bonne éducation

Par Ely Salem Ould Abd Dayem

S/l'Authentic